Guy Paradoxe

Il est une très vieille tradition aux vestiges encore vivaces, dont on s'enorgueillit toujours dans les milieux littéraires hexagonaux, celle qui prête à la fonction première de l'écrivain, Le Combat, l'obligation pour lui de se hisser au rôle actif de porte-parole et légitime justicier face aux abusifs pouvoirs en place émaillant l'Histoire, face au vrai scandale qu'installent à chaque fois sous une forme ou une autre, leurs infectes censures. En écrasante part jusque là, cette fierté démocratique s'adressait aux différentes oppressions politiques ou étatiques, sans omission dit-on, à quelques rudes exceptions près, comme pour les règles de grammaire.

Mais qu'en est-il exactement lorsque, totalement isolée, l'imprudente et pamphlétaire dénonciation pour vice manifeste, immoralité structurelle et censure larvée, vise cette fois-ci, et hors du champ politique, le domaine d'activité le plus emblématique par excellence, le temple en un mot et creuset de toutes les anticensures, de tous les droits de suite entrepris au nom du Bien Fondamental, celui de l'EDITION EN PERSONNE ?
C'est bien connu, il est nettement plus difficile d'abattre un ennemi de l'intérieur ; s'agissant en outre d'un tel mastodonte aux ramifications tentaculaires auquel prétend se frotter un simple électron libre du genre lilliputien à peine primo-infecté, l'entreprise, croyez-bien, confine carrément à un héroïsme de type kamikaze et a de quoi faire gentiment sourire par son insignifiance.

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En vertu de sa grande proximité avec l'Impalpable, l'Enigme, l'Invisible, l'Insaisissable ou l'Absurde, s'agissant là contrairement aux apparences, de dimensions parfaitement fixées, immuables pour être inlassablement réinscrites sur les différentes facettes du Monde En Mouvement et derrière chaque palier de répit dont à son sujet se solde à chaque fois très momentanément une quelconque certitude au lest bien soupesable, immuables puisque inlassablement réinscrites sur les différentes trajectoires de l'Univers par delà ses pullulantes niches localement faites pour engoncer "l'objet solide", ce clone de la "consistance matérielle" incrusté dans les moindres interstices de l'Actuelle Mentalité Collective, en vertu de cette proximité donc, l'Idée de l'Abstrait est de loin plus véridique, plus authentiquement circonscrivante que celle du Concret.

Si quant à elle, cette dernière qualité se montre aussi farouchement tenace dans son expression, si appuyée dans son opposition sans concession à son extrême antithèse, si dominatrice et fascisante en ces tristes temps de négoce débridé assorti de technicité tout terrain et où règne en maître absolu l'objet-chose, c'est évidemment du fait de ses irrédentistes nuées de supporters, de ses très prolifiques et inconditionnels ambassadeurs présents par myriades, pour lesquels il y a là une manière de conjurer le sort, une façon détournée ou pour ergoter face à l'imparable destin communautaire, une tentative de contre-feu vis-à-vis de leur propre précarité, à savoir l'obligation qu'ils se font, peut-être à chaque seconde, de rechercher à tout prix un ancrage, et qui soit l'illusion incomprise d'un quai en béton, croyant ainsi, bien inconsciemment, échapper à l'Implacable Finitude, à la Solution De Continuité dès lors, ou tout simplement alors, croyant esquiver au quotidien la sourde inquiétude comme simple implication du genre humain au sein de son incommensurable biotope… Quelle utopie !

Promoteurs du Livre Imbécile, à quatre-vingt-dix huit pour cent des effectifs… s'abstenir !






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