Jérôme Lindon

" Les œuvres littéraires les plus novatrices ne sauraient évidemment répondre aux critères de valeur en vigueur au moment où elles voient le jour. Aussi, rares sont les premiers lecteurs qui se sentent en affinité avec elles. Dans l'édition, l'opinion des membres du comité de lecture appelés à formuler un jugement sur le manuscrit sera, au mieux : " c'est très bien, mais ça ne se vendra pas ".

Un éditeur passionné, qui engage ses propres finances, pourra malgré tout opter pour la publication, mais ses collaborateurs hésiteront à hypothéquer leur situation future par un conseil qui entraînerait un échec commercial : plus il existera de paliers intermédiaires entre ces premiers lecteurs et le décideur et moins la maison prendra de risques. Il reste assurément une chance lorsque le patron est un héritier fidèle au souvenir du fondateur, mais cette chance s'évanouit quand, à la suite d'une restructuration financière, le nouveau dirigeant est surtout motivé par la recherche du profit et d'une bonne image en bourse….

A terme, une telle transformation du paysage de l'édition tend inévitablement à priver de toute chance d'être lues, et par conséquent d'être publiées, les nouveautés d'exception qui ne répondent pas aux critères de valeur en vigueur au moment où elles voient le jour. Mais qui remarque l'absence d'un auteur inconnu ? ".

De l'édition sans éditeurs, par Jérôme Lindon des Éditions de Minuit

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